Entretien avec Basile Kougblenou sur les systèmes éducatifs
Nous avons eu une interview avec Basile Kougblenou, expert en éducation, sur les systèmes éducatifs en France et dans les pays africains.
Quel est le système éducatif en France ?
Basile Kougblenou : Le système éducatif français s’appuie sur trois principes fondamentaux : la gratuité, la laïcité et la neutralité. Ces principes assurent l’éducation de tous peu importe leurs classes sociales, leur appartenance religieuse ou leurs opinions politiques ou philosophiques. Le système éducatif français est inclusif et accessible à tous.
L’école est obligatoire en France pour les enfants de six à seize ans : tout enfant doit être scolarisé, que ce soit à domicile ou à l’école. L’éducation se scinde en trois parties : l’élémentaire, le secondaire et les études supérieures. L’élémentaire comprend l’enseignement des connaissances basiques d’un élève durant cinq années (cinq niveaux), le collège et le lycée font partie du secondaire. Ce sont sept années d’études au total (quatre pour le collège et trois pour le lycée) qui préparent l’élève aux études supérieures ou à un métier en particulier si la voie professionnelle est choisie par l’élève. Il existe donc la possibilité de suivre une voie générale ou une voie professionnalisante en France dès le collège.
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Comment se présentent les systèmes éducatifs en Afrique francophone ?
Basile Kougblenou : Il est difficile de faire un résumé de tous les systèmes éducatifs en Afrique francophone, notamment du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, il n’est pas incorrect de dire que les systèmes éducatifs de ces pays se rapprochent beaucoup du système français. L’éducation est composée d’un enseignement primaire, secondaire et supérieur. Les diplômes comme le Brevet ou le Baccalauréat sont également présents dans ces pays : le diplôme régional au Maroc et le BFEM au Sénégal sont les équivalents du brevet des collèges en France.
Les caractères obligatoire et gratuit de l’école peuvent être retrouvés au sein des systèmes éducatifs en Afrique. Au Sénégal, l’école publique est gratuite et obligatoire pour les enfants entre six et seize ans, quant au Maroc, l’école est obligatoire pour les enfants de la primaire jusqu’à l’université. La scolarité est gratuite mais des frais de scolarité peuvent être exigés des enfants ayant des parents avec des revenus élevés.
Quels sont les problèmes présents au sein du système éducatif français ?
Basile Kougblenou : La France est placée dans la moyenne parmi les pays développés concernant l’éducation. Cela ne fait pas d’elle un pays médiocre ni un excellent pays en termes de système éducatif. Cependant, il existe bien des défauts au sein de ce système éducatif qui sont importants à souligner. Nous retrouvons des problèmes comme :
- les inégalités sociales qui causent l’échec scolaire chez les enfants venant de milieu modeste
- le manque de suivi des élèves
- le surchargement des classes
- le niveau de scolarité en baisse des élèves français
- le manque de pédagogie
Tous ces défauts ont pour conséquence d’un niveau d’éducation moyen, avec des élèves qui ne sont pas épanouis ou qui n’ont pas toutes les chances de réussir. D’où la baisse du niveau moyen des élèves français, l’échec scolaire qui est de plus en plus fréquent ou le manque d’envie de faire des études supérieures chez la majorité des élèves.
Il est donc nécessaire de revoir tout le système éducatif français en :
- mettant plus d’accent sur la pédagogie,
- ouvrant plus de classes (plutôt que d’en supprimer davantage)
- augmentant l’effectif d’enseignants : il existe un réel déficit d’enseignants en France, car le métier n’attire plus grand nombre en raison des différentes politiques mettant à mal les professeurs des écoles (suppression de postes, lente augmentation du salaire, charge de travail)
- permettant aux élèves de trouver leur voie en les incitant à s’insérer plus tôt dans la vie professionnelle. Il est nécessaire pour cela que l’école travaille en collaboration avec les différents corps du travail
Quelles sont les inégalités au sein du système éducatif en Afrique ?
Basile Kougblenou : De grosses inégalités existent dans l’enseignement dans les pays africains. Cela est dû à plusieurs raisons :
- le manque d’enseignants formés
- le manque de classes ou d’espace dans les écoles qui ont pour conséquence les classes surchargées
- le manque de matériels scolaires
- l’accès limité aux besoins primaires comme l’électricité, l’eau
- le fossé entre les régions urbaines et rurales : ces dernières ayant des écoles moins bien équipées et donc un accès à la scolarisation restreint
- l’inégalité entre les écoles publiques et privées qui ont de meilleurs résultats auprès de leurs élèves
Ces inégalités sont généralement propres aux pays de la région. Les difficultés à surmonter au sein des systèmes éducatifs africains sont bien différentes de celles rencontrées en France. Lorsque les biens primaires sont manquants et empêchent l’accès même à l’école, il est difficile de mettre en place un système éducatif fonctionnant parfaitement. Il est donc primordial de pallier ces inégalités avant de vouloir perfectionner le système scolaire dans les pays africains. Cependant, la présence des écoles privées, malgré leur prix, permet de dispenser une éducation qui peut être perçue au même niveau que les pays développés.
Quelles sont les conséquences des inégalités sur l’éducation au sein des pays d’Afrique ?
Basile Kougblenou : Nous constatons que les inégalités augmentent de jour en jour au sein des écoles en Afrique. Les écoles privées prennent le dessus et se multiplient de plus en plus. Les écoles publiques n’ayant pas les ressources nécessaires pour régler les problèmes précités, les écoles privées sont préférées par les élèves aisés de ces pays. Ce qui tend à augmenter les inégalités d’accès à l’école ou de réussite à la sortie de l’école. Les élèves des écoles privées réussissent mieux que les élèves des écoles publiques. Ces derniers n’ont pas accès aux écoles privées en raison d’inégalités sociales ou territoriales, et ces inégalités ne diminuent pas avec le temps. Et ce, malgré la présence de bourses scolaires dans ces pays, à l’instar de la France.
Une autre conséquence de ces inégalités est la fuite des cerveaux. En effet, les personnes les plus qualifiées du pays émigrent vers d’autres pays (la France ou d’autres pays développés) en raison des meilleures conditions de travail, d’un salaire plus élevé et d’un mode de vie plus épanouissant. Cet exode des personnes qualifiées est très problématique pour le pays d’origine, puisqu’il n’arrive pas à retenir cette partie de la population qui pourrait lui être très utile. Lorsque ces personnes qualifiées s’en vont, ils emportent avec elles la possibilité de développement de leur pays d’origine, ainsi que la possibilité de former une génération encore mieux qualifiée. Il est donc primordial de régler au plus vite les inégalités liées à l’éducation pour permettre aux pays africains de se développer et de prospérer, notamment pour les générations à venir.
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